Pour mettre en œuvre les consignes démagogiques du Président de la République, l'affaire a été, si l’on peut dire, bien conduite. Le gouvernement faisait siens des slogans pédagogiques à la saveur nostalgique tout en offrant aux familles la perspective de week-ends bien remplis. Le Ministre renouvelait ses promesses de concertation tout en imposant des mesures drastiques et incohérentes sur les postes comme sur les contenus. Il proposait tout à la fois le retour aux "fondamentaux" et l'ouverture vers de nouvelles matières, le tout en passant de 26h à 24h hebdomadaires d’enseignement. Et, comme s’il fallait encore en rajouter dans l’incohérence et la mesquinerie politique, les collectivités locales ne furent en aucune façon associées à l’indispensable réflexion qu’impose cette réorganisation du temps de l’élève, des familles et de l’ensemble de la vie sociale.
Nous ne nous satisfaisons pas du statu quo. Alors que les inégalités sociales de réussite scolaire sont toujours aussi manifestes, que pour toutes les familles les attentes à l’égard de l’école restent vives, une politique résolue doit être mise en œuvre pour prévenir dès le plus jeune âge la difficulté scolaire et mieux assurer la rencontre de tous les élèves avec les savoirs et les pratiques scolaires. Les acquis de la recherche démontrent qu'il s'agit de redonner toute leur place aux apprentissages des écoles maternelles et élémentaires, de renforcer leur cohérence, de prendre le temps de l'explicitation des attentes et de la régularité du travail demandé aux élèves, de mieux répartir les enseignements sur la semaine et sur l’année. Or, la politique gouvernementale prépare une véritable débâcle. Avec moins de 140 jours de classe par an, la France se situerait à un niveau des plus médiocres parmi les pays comparables. Mais il faudrait en plus se soumettre à des programmes impossibles, tout à la fois lacunaires, parfois incroyablement précis, et globalement inapplicables. Et se résoudre à la concentration du tissu scolaire, à l’abandon de toute perspective de développement du soutien scolaire dans le cadre même de l’enseignement obligatoire. Si la prise en charge par l’école du soutien hors des heures de classe peut constituer une piste intéressante, elle ne saurait constituer une véritable politique scolaire, ni faire l’économie d’une réflexion d’ensemble sur les programmes et sur le travail demandé à l’élève. Et, s’agissant de l’application des nouvelles instructions, on ne sait trop ce qui pourra résulter d’injonctions aussi paradoxales. S'agira-t-il de liquider l'enseignement des sciences, de l'histoire, de la géographie, des arts plastiques et de l'éducation physique, de sacrifier l'enseignement des "fondamentaux" eux-mêmes, par leur rétrécissement sur des journées intenables, dans la répétition stérile et la stigmatisation des élèves les plus en difficulté?
On sait d’avance quels groupes sociaux feront les frais d’une telle politique. Les familles des classes populaires seront ainsi soumises à des conditions de scolarisation rendant toujours plus probables le décrochage, la perte des espérances de réussite et l’abandon. Les familles des classes moyennes et supérieures y perdraient elles aussi d’une autre manière, contraintes d’aller engraisser un peu plus les officines de cours privés. Il est plus que temps que la communauté intellectuelle, les parents, les enseignants et l’ensemble des citoyens intéressés à la cause de l’école publique se réunissent pour mettre un terme à cette contre-réforme et créent les conditions d’un autre avenir pour ce qui constitue la base de l’ensemble du système d’enseignement.